La semaine dernière, Édouard Carpentier est mort. Vous ne savez pas qui est Édouard Carpentier? Vous ne connaissez pas l’homme à la savate volante, le spécialiste de la voltige, le King de la Lutte Grand Prix ? Vous êtes alors, sûrement, de la génération Passe-Partout !
Édouard Carpentier a été le saint homme par qui la télé couleur est entrée dans notre salon familial au début des années 1970. De sa voix tonitruante et de son air de gars qui n’entend pas à rire, mon père avait exigé (et c’est peu dire) que la télévision couleur qu’il venait d’acheter soit livrée avant 11 heures le samedi matin, puisque la lutte était présentée à midi. Et elle l’avait été. Nous étions tous là, assis devant ce joyau coloré à admirer le Grand Édouard administrer une raclée démesurée à Tarzan « La Bottine » Tylor et donner le coup de grâce aux deux Poudrés d’Hollywood… en même temps.
Chez nous, il y avait deux messes par semaine. La messe du dimanche où ma mère nous trainait comme des boulets, pour, semble-t-il, tenter de nous faire gagner notre ciel tout en nous faisant réciter des prières qu’on ne comprenait pas du tout. Notre seul plaisir était de démasquer lequel des voisins tomberait endormi en premier et recevrait le coup de coude dans les côtes de sa tendre moitié.
Et il y avait la messe du samedi. 11h55 : on se bousculait sur l’un des deux divans du salon pour se trouver une place de choix. 11h58 : mon père commençait à nous avertir de « rester tranquille ». Et, en même temps que le coucou sonnait l’heure du diner, il régnait un silence d’or dans notre salon. Le curé du village aurait été jaloux de l’attention que nous portions à chaque parole du commentateur de la Lutte Grand Prix ! 10 paires de yeux rivés sur l’écran couleur, à admirer des géants se tabasser et recevoir des raclées époustouflantes, à huer les méchants et à applaudir les bons. Par la suite, ma mère en avait pour des heures à calmer mes frères qui s’en donnaient à cœur joie en pratiquant, à qui mieux mieux, les prises qu’ils venaient d’emmagasiner dans « leur tiroir de la mémoire ».
L’un des jours les plus tristes de ma préadolescence a été celui où j’ai su que la lutte était « arrangée avec le gars des vues ». J’étais choquée et peinée de savoir qu’on m’avait roulée ainsi durant toutes ces années. Tous ces samedis où j’avais vénéré ces colosses qui faisaient régner la justice et qui punissaient les méchants. J’en voulais à mon père - il devait sûrement le savoir que la lutte était du « fake » - d’avoir ainsi entretenu ma naïveté.
Faut dire aussi, qu’à l’époque, tout ce qui nous sortait de notre quotidien - assez ordinaire - avait pour mission de nous faire rêver. Avec uniquement deux postes de télé, un en français (le 4) et un en anglais (le 2), notre vision sur le monde se limitait à ce qui se passait dans notre quartier, dans notre école, dans notre famille. Bobino, Le Pirate Maboule, Fanfreluche et Marie Quatre-Poches ont bercé mon imaginaire. La Lutte Grand Prix et Édouard Carpentier ont comblé ce besoin - Ô combien interdit - de se défouler mentalement en admirant ces adultes se taper sur la gueule, faire couler le sang, être maitre du ring.
Un retour en arrière nostalgique, ce matin ! Est-ce le « blues » de novembre qui me fait penser à tout cela, ou le « blues » du 11 novembre qui approche à grand pas ? Je ne sais pas ! J’avais juste envie de le partager avec vous.
À la prochaine !
Moi aussi j'ai été choqué dans mon petit coeur de garcon naïf lorsque j'ai su que la lutte ''C'ÉTAIT MEME PAS POUR DE VRAI!!!!''
RépondreSupprimerJeune, j'écoutais la lutte religieusement, surtout la lutte québécoise. Les MagDog Vachon, Dino Bravo, Les Rougeaux, Ricky Martel, Gino Britto et bien sûr Edouard Carpentier. Aujourd'hui, je regarde du coin de l'oeil tous ces gros gaillards et gaillardes et je trouve que ca ressemble plus à un cirque qu'à un loisir de combat. Quoique qu'arrangé, il est toujours spectaculaire de voir ces acrobaties. Et Mr. Carpentier était parmi les plus grands. Et que dire de ses decriptions de commentateurs: Holà là Madame et Messieurs , C'est la prise du Petit Paquet !!!
RépondreSupprimer@ Mathieu : Pôve t'tit chou ! C'était tu aussi pire que quand t'as su que le Père Noël n'existait pas ;o)
RépondreSupprimer@ Pierre H : Et sa meilleure... Et crroooyez-moi !!! ça fait mal! Aujourd'hui, c'est trop évident que c'est du fake. Mais à l'époque, il fakait avec classe.
@Lucille : Hihihihi! Ta description de l'ambiance qui régnait chez toi me fait bien rire, parce que c'est de ça que ça a l'air chez nous quand on regarde un gala d'arts martiaux mixtes! (On étant : moi, mon chum et mon beau-frère)
RépondreSupprimerPersonnellement, je trouve ça aussi époustouflant que la lutte, surtout parce qu'on sait que c'est pas arrangé...
... et on est d'autant plus rivés à notre siège que y'a toujours un risque que le bon gagne pas!!!